La biographie que Claude Hermann a consacrée à Henry Purcell (éditions Actes Sud) est extrêmement intéressante car elle tente de placer l'œuvre créatrice du compositeur anglais dans ce qu'étaient le statut du musicien, les codes de la vie culturelle sous les différents souverains de la cour d'Angleterre. De façon singulière, cet essai axé sur les relations du compositeur avec son environnement nous enseigne de nombreuses choses sur la personnalité finalement assez méconnue d'Henry Purcell.
Je retiendrai ce passage qui ponctue le chapitre III du livre et que j'avais repris dans la note du 20 mars que nous avions faite sur Henry Purcell à trois bloggeurs : « … pardessus tout, celui que l’on a surnommé l’Orphée britannique
sut insuffler à la musique une force vitale et une vérité affective
inaltérables. Si l’on sait exprimer avec tant de justesse et aussi peu
de complaisance le désarroi devant les grandes interrogations humaines,
il doit être facile ensuite de restituer avec la même vérité
l’allégresse la plus folle, l’insouciance la plus légère, les beautés
de la nature, les mystères du sommeil, les délices et les affres de
l’amour, la sensualité, les crudité de la vie, la gloire de Dieu ou
l’amour de la patrie. Toutes choses que Purcell excella plus que tout
autre compositeur baroque à représenter. » (page 47).
Je trouve que Claude Hermann nous résume là en quelques lignes les traits fondamentaux du génie de ce compositeur attachant dont, je trouve, on ne fête décidément pas assez dignement les 350 ans de sa naissance.
Henry Purcell - Claude Hermann - Editions Actes Sud avec la collaboration de Classica / Répertoire.
Comme promis dans la note du 14 mars, ce post regroupe trois billets rédigés sur des pièces spécifiques de Henry Purcell, dont une de votre serviteur. Je vous souhaite une bonne lecture et remercie à nouveau Ariana et Jean-Christophe pour leur précieuse contribution.
Purcell or Let me Freeze Again... D’un Génie du Froid à Didon
Pourquoi ces pièces ? Parce qu’elles cristallisent ce en quoi le compositeur excelle. A savoir à une époque où, certes, l’harmonie semble contre toute attente de l’héritage musical en vogue l’emporter sur le contrepoint, Henry Purcell se démarque encore dans ses compositions par une audace et un sens de l’inventivité hors pairs. Il est au-delà des genres que, pourtant, il contribue à générer de fait. Ce pourquoi dire Purcell est aussi déjà dire en quelque sorte Britten, ce qui n’est pas là pur hasard.
La voix et l’âme.
Qui n’a jamais été saisi, frappé, happé, suspendu par l’air intelligemment et talentueusement spasmodique du Génie du Froid ou la douloureuse Renaissance dans son mouvement d’agonie de la Lamentation de Didon?
Chez Purcell, il s’agit de se laisser porter et aller jusqu’à toucher l’être d’un personnage mû par l’âme qui le caractérise. De manière absolument et résolument moderne, contemporaine même peut-être, nous avons là un traitement des personnages bien en précession sur toute une tradition lyrique à venir en ce sens, que déjà, l’alliance superbe du texte et de la musique préside à la première impulsion de composition.
Le Masque : Un Génie du Froid qui nous transit depuis une base tonale qui dissimule son flou sous une apparente limpidité afin de mieux déstabiliser l’oreille de l’auditeur. Base tonale aux (dés)accords puissamment tangents, sciemment grinçants, risoluto ostinato, préparant la survenue de l’expression intimidante de grelots de ce Gel Divin. Troublantes, douloureuses craquelures exprimées, exposées non pas tant de glace, que de piquant, expression absolue elle-même, aux portes symboliques de l’expressionnisme le plus inattendu en cette occurrence.
Ecoutez sa voix de basse, relief elle-même de cet ostinato récurrent, obsessionnel, fondement s’il en est du trouble purcellien par définition, se détacher pour mieux se renouer en le dessin sinueux d’une courbe incroyablement intuitivement sensée et sentie par le compositeur et vous serez pénétrés de ce qui fait, ce qu’est ce Froid malin sans perniciosité aucune cependant, autant qu’il se dévoile pétrifié de lui-même dans ses hachés soigneusement élaborés..
L’Âme : Des œuvres diverses quoique non si variées d’inspiration et de formes préférées, une se détache par son statut singulier, l’opéra Didon et Enée.
Voici l’exemple même de « l’opera assoluta » dans le sens où s’il est le seul opéra à proprement parler sur l’ensemble de la production d’Henry Purcell, il l’est de bout en bout et ce non seulement au vu des canons de l’époque, mais surtout bien au-delà. Dido and Aenas, c’est la première rencontre de manière que l’on pourrait dire plus ou moins directe d’une perspective strictement musicologique, du texte et de la musique ou encore de la musique et du texte. Une œuvre d’une incroyable richesse et d’une terrible efficacité alors même que nous sommes loin des romantiques et fondements post-wagnériens en la matière.
Le point d’acmé de l’œuvre est sans doute permis la célèbre, à très juste titre, Mort de Didon. Il s’agit d’une lamentation stricto sensu, c’est-à-dire avec ses échelles descendantes de demi-tons certes, mais aussi d’un Chant Pur de Mort d’un être qui se réconcilie alors avec son âme. Ce tour de force plus qu’inédit à cette époque (1689), inattendu, tient de la formidable intuition servie par une grande habileté de technique compositionnelle, de Purcell d’établir l’assise de l’air déclamatoire sur la non-rencontre apparente, ou alors circonstancielle, d’un ostinato aux basses et de la mélodie chantée à la voix comme « au-dessus » de sa base !
La révolution, car il faut ici oser le terme, vient de ce formidable et savant décalage d’intentionalités. Didon chante la mort de son corps voué à un destin inane, affirmant par là sa renaissance en son être pétri de (plus ?) hautes aspirations. Le jeu de l’ostinato à la voix et réciproquement ne donne rien de moins que la mouvance d’un jeu transcendantal du sujet qui l’énonce. Enfin, parce qu’il faut bien finir par dire l’essentiel, ce chant là, moins pectaculaire et pourtant si tragique, est d’une profonde, grande tout autant qu’intime, Beauté.
On a peine à croire qu’il s’agit ici de l’œuvre d’un compositeur de vingt ans. Pourtant, c’est à peu près cet âge que doit avoir Henry Purcell lorsqu’il note, à la fin du printemps et durant l’été 1680, ses Fantaisies pour les violes, préservées dans un manuscrit autographe conservé aujourd’hui au British Museum de Londres, source unique heureusement parvenue jusqu’à nous.
Si l’on se replace dans le contexte historique de leur composition, ces œuvres constituent, au sens propre du terme, une aberration. Depuis la Restauration monarchique de 1660, le paysage musical anglais connaît, en effet, des bouleversements profonds. La musique pour consort de violes, qui, durant un siècle, a connu une incroyable floraison en Angleterre et a été illustrée par les musiciens les plus célèbres, Byrd, Gibbons ou Lawes pour n’en citer que trois, s’efface assez rapidement du devant de la scène pour céder la place à ces « produits d’importation » en provenance d’Italie et de France que sont le violon et la Suite de danses. Charles II, en effet, « avait une détestation profonde pour les Fantaisies et préférait la musique sur laquelle il pouvait battre la mesure », si l’on en croit l’écrivain Roger North, et, choix du roi oblige, les suites-fantaisies du Broken Consort de Matthew Locke (c.1621-1677), composées vers 1661, seront donc le dernier recueil d’un genre où les compositeurs s’autorisaient des expérimentations sonores parfois osées, notamment dans l’usage des dissonances, même si, chez Locke, ce caractère aventureux est déjà largement tempéré par la primauté accordée au charme mélodique sur l’élaboration contrapuntique.
Avec les Fantaisies de Purcell, on bascule dans un univers radicalement différent, pour ne pas dire opposé. Tout d’abord, sur les quinze compositions que nous transmet le manuscrit, seules cinq sont dans le mode majeur, les autres se partageant entre en sol (4), ré (3), la (1), mi (1) et ut (1) mineurs, ce qui, si l’on considère ces pièces comme un tout, incline l’ensemble vers des teintes sombres, très loin de l’univers plutôt lumineux de Locke.
Ensuite, le contrepoint y est omniprésent, et il est élaboré et utilisé avec une aisance absolument confondante qui n’est pas sans évoquer parfois, comme l’ont relevé maints commentateurs, L’Art de la Fugue de Johann Sebastian Bach, écrit, rappelons-le, par un homme qui approchait de la soixantaine. Faut-il, pour autant, tenir ces Fantaisies pour de simples exercices de style ? Absolument pas, car la maîtrise de la technique y est toute entière au service d’une émotion prégnante, qui voit alterner épisodes fiévreux (Fantaisie n°4), inspiration populaire (Fantaisie n°5), mélancolie déchirante (Fantaisie n°7) et instants de douceur (Fantaisie sur une note). Soulignons enfin que l’usage que fait Purcell des dissonances, des retards, des syncopes, de l’instabilité tonale (seize tonalités différentes, par exemple, en une vingtaine de mesures seulement dans la Fantaisie n°12 !) donne un caractère souvent âpre, mais également insaisissable et diapré, à ces œuvres dont bien des audaces d’écriture feraient pâlir d’envie les plus contemporains de nos compositeurs.
Le 24 février 1683, deux ans et demi après avoir terminé la Fantaisie n°12, Purcell reprend son manuscrit et commence à noter une Fantaisie en la mineur. Il pose la plume au bout de 31 mesures ; il ne reviendra plus à ce cahier, laissant l’œuvre inachevée. A-t-il eu subitement conscience d’avoir exploité toutes les possibilités techniques et expressives offertes par la musique pour consort ? D’autres projets ont-ils alors requis son attention, le contraignant à abandonner ce travail ? Il est impossible de répondre à ces questions, mais ce qui demeure certain, c’est que l’Orpheus Britannicus ne se faisait aucune illusion sur l’accueil que recevraient ses Fantaisies, achèvement miraculeux d’un genre qui sonne également comme un congé définitif adressé au vieux et brillant monde de la Renaissance : demeurées manuscrites, elles ne furent, en effet, éditées qu’en 1927.
Henry Purcell (c.1659 ?-1695), Fantaisies pour les violes, 1680.
Henry Purcell m'a d'emblée touché par l'élégance et le raffinement de ses compositions. Je suis entré dans son univers via un parcours on ne peut plus classique : Didon et Enée (avec une version magnifique des Arts Florissants sous la Direction de William Christie sortie en 1986, avec Guillemette Laurens et Jill Feldman), puis The Indian Queen (version de John-Eliot Gardiner), La Musique pour les Funérailles de la Reine Mary , Le Roi Arthur, Music for a While et autres chansons interprétées par Alfred Deller, les odes de toutes sortes dont le chef d’œuvre « Hail ! Bright Cecilia » ou le splendide Tedeum & Jubilate.
Le choc a tout de même été pour son semi-opéra la Reine des Fées (the Fairy Queen), que j'ai dégusté lors de deux belles nuits d’août 1998. Sous la direction de John Eliot Gardiner, the English Baroque Soilists et le sublime Monteverdi Choir m'ont fourni cette occasion inoubliable de pénétrer l'univers poétique de Purcell. Cette adaptation du Songe d'une Nuit d'Eté de William Shakespeare déploie sur près de deux heures un univers dont la féérie envoutante vous enveloppe et vous renvoie à la sensation troublante de visiter un Paradis perdu. Cet opéra décline avec une subtilité extrême les diverses émotions les plus profondes et renvoie aux interrogations les plus universelles.
Le moment où la magie opère certainement le plus est incontestablement l’arrivée successive des quatre figures allégoriques dès le premier acte : la Nuit, le Mystère, le Secret et le Sommeil. L’introduction en fugue des violons sur l’air de la Nuit me provoque littéralement des frissons, instaurant en tension qui renvoie aux angoissantes interrogations face à l’obscurité de la nuit profonde. La voix de soprano incarnant la Nuit déploie alors son lamento, vibrant et désespéré. Le Mystère arrive ensuite, apportant paradoxalement la lumière, sur un air très bref (guère plus d’une minute), incarné quant à lui par une voix de soprano que John Eliot Gardiner a choisi plus claire et lumineuse. Le Secret apparaît aussitôt, sous la voix d’un contre-ténor, avec un chant dont les mélismes sont soutenus par un duo de flûte. Cette aria, cadencée par un rythme assez marqué à deux temps, prend l’allure d’une danse élégante et badine. Le Sommeil vient ponctuer l’apparition des figures allégoriques, avec une voix de basse feutrée et qui semble chuchoter son texte pour laisser la place au chœur dont le recueillement et la retenue sont extrêmes afin d’exprimer avec une ampleur saisissante cet assoupissement divin. Une danse des suivants de la Nuit réexpose le motif principal de l’air du Sommeil pour accompagner le jeu scénique certainement prévu et visant à représenter la disparition progressive des quatre figures allégoriques.
Enfin, la fameuse complainte de Titania « O let me weep », au début du cinquième acte n’a pas été sans me rappeler l’aria célèbre de la mort de Didon. Ces deux arias où Purcell reprend de façon revisitée le style du lamento italien qu’il maîtrisait parfaitement, résument aussi à merveille le génie de Purcell, à savoir cette capacité à représenter, avec une délicatesse extrême les différents sentiments, les humeurs variables du caractère humain.
Claude Hermann dans sa biographie récente sur Henry Purcell (éditions Actes Sud) résume à merveille à la fin de son deuxième chapitre (page 47) la plasticité unique de la musique du compositeur anglais : « … pardessus tout, celui que l’on a surnommé l’Orphée britannique sut insuffler à la musique une force vitale et une vérité affective inaltérables. Si l’on sait exprimer avec tant de justesse et aussi peu de complaisance le désarroi devant les grandes interrogations humaines, il doit être facile ensuite de restituer avec la même vérité l’allégresse la plus folle, l’insouciance la plus légère, les beautés de la nature, les mystères du sommeil, les délices et les affres de l’amour, la sensualité, les crudité de la vie, la gloire de Dieu ou l’amour de la patrie. Toutes choses que Purcell excella plus que tout autre compositeur baroque à représenter. ».
Pour tout extrait issu de cet enregistrement, je vous propose l’un des airs les plus représentatifs de cette élégance "purcellienne", le duo «If Love’s a Sweet Passion » accompagné du chœur (interprété par Jennifer Smith, soprano et Stephen Varcoe, basse).
Cette année 2009 fête les 350 ans de l'anniversaire du compositeur Henry Purcell. il est dommage qu'y compris au XXIème siècle, alors que l'on a considérablement développé l'interprétation des musiciens du XVIIème siècle, on ne produise pratiquement jamais ce grand compositeur en dehors du Royaume Uni, son territoire d'origine, sous prétexte que sa musique vocale était complètement écrite pour la prosodie anglaise.
Et alors ? Malheureusement, que ce soit William Christie avec les Arts Florissants (certes américain) ou John Eliot Gardiner avec notamment son merveilleux Monteverdi Choir, les ensembles dont les chefs ont pourtant une culture anglo-saxonne nous distillent du Purcell au compte goutte depuis quelques années.
Je vous propose, à l'échelle très modeste du Poisson Rêveur, de tenter de faire sortir ce compositeur qui m'est très cher du "purgatoire" en consacrant çà et là quelques notes sur des œuvres / interprétations qui m'ont marqué et que je suis heureux de partager avec vous. N'hésitez pas à contribuer via vos commentaire et vos notes pour enrichir ce petit panorama. Je prépare également une petite surprise avec deux blogs qui ont amicalement accepté de contribuer (Le Jardin Baroque et Le Geste et la Voix) et vous en saurez plus d'ici quelques jours.
Le nom de cette nouvelle catégorie sera Purcell 350.
Heinrich Isaac - Ich Muss Dich Lassen, Chansons De La Renaissance Franco-Flamande: Ensembles Capilla Flamenca et Oltremontano - Direction Dirk Snellings Pour les amateurs de musique ancienne habitués à l’écoute de corpus cohérents, d’œuvres complètes, ce disque peut paraître un peu déroutant, notamment du fait de la variété des formes qui fait que le compositeur reste assez difficilement saisissable. On va vite au delà de ce problème de forme pour vite être envouté par certaines des pièces et, surtout, être emmené très efficacement par la très belle interprétation, fine, équilibrée, intelligente des ensembles Capilla Flamenca et Oltremontano, ensembles à suivre avec intérêt.
L'Air italien au temps de Louis XIII: Il Festino La justesse d'interprétation de l'ensemble Il Festino ainsi que l'élégance, la beauté rayonnante de la voix de la soprano Dagmar Saskova nous font entrer dans l'intimité de ces œuvres de la façon la plus délicieuse et sensuelle qui soit. L'ambiance de ces différentes pièces, où alternent pièces instrumentales et chansons, rappelle inexorablement l'univers madrigalesque.
Gabriela Montero - Bach & Beyond Gabriela Montero métamorphose des pièces bien connues de Bach pour leur faire côtoyer des univers insoupçonnables grâce à ses dons uniques d'improvisation.
Attaingnant Pierre - Que je chatoulle ta fossette, danceries: Ensemble Doulce Mémoire - Direction Denis Raisin Dadre Ce superbe enregistrement, avec des interprétations d'une finesse et d'une justesse de ton exemplaires fait preuve d'une cohérence remarquable. L'étendue stylistique de ces différentes "danceries" étant assez large, partant des danses les plus raffinées d'origine aristocratique aux bransles de souche populaire, l'ensemble Doulce Mémoire fait preuve d'une capacité à intégrer la rhétorique propre à chacun de ces styles de façon indéniablement brillante. Tout cela est également, et surtout, très vivant, pétillant, sans prétention démonstrative ou savante. On prend alors un plaisir immédiat et presque sensuel à savourer ces gourmandises de Pierre Attaingnant, concoctées avec une telle finesse.
Busnois Antoine - L'Homme Armé: Ensemble Cantica Symphonia L'ensemble Cantica Symphonia, avec sa parfaite maîtrise de la rhétorique du chant polyphonique de cette époque et son effectif vocal conséquent (4 sopranos, 4 ténors, 2 baryton), donne une certaine ampleur à cette messe avec une indéniable densité. Leur projet ambitieux est parfaitement réussi. Leur souci de véracité fait qu'ils nous révèlent une musique avec des couleurs vocales et un instrumentarium d'une grande cohérence et nous plongeant dans l'atmosphère envoutante au coeur de la période Renaissance. Remarquable projet, mené avec rigueur et pertinence et qui nous plonge dans cet univers polyphonique de la Renaissance avec tous ses mystères.
Codex Caioni: Xviii-21 Le Baroque Nomade Jean-Christophe Frisch et son ensemble XVIII-21 continuent leur singulier itinéraire baroque nomade avec cette fois le Codex Caioni. Johannes Caioni est un organiste du XVIIème siècle, originaire de Transylvanie, et officiant dans un monastère franciscain. Compositeur, facteur d'orgue, ce premier musicien roumain dont les talents sont reconnus en Europe, a construit au fil des ans un Codex, recueil d'œuvres originales mais aussi transcriptions, copies de compositions, dont une partie provenait des musiciens vénitiens, particulièrement influents en Europe centrale.
De Machaut Guillaume - Ballades: Ensemble Musica Nova Nous sommes ici à la jonction de la période médiévale et de la Renaissance. Ces ballades portent en elles les accents primitifs des futures formes, y compris celles des plus purs styles madrigaux, notamment dans le tuilage très caractéristiques des différentes voix attachées chacune à un texte donné. On reste encore toutefois bien ancré dans les formes de musique circulaire propre à la musique médiévale, ces sortes d'ostinatos des temps anciens. La juxtaposition des voix et des textes, propres à la Ballade, est exploité par Guillaume de Machaut avec une ingéniosité diabolique. Il met en exergue avec virtuosité ce dialogue autant interne à chaque Ballade qu'entre les Ballades elles-mêmes se renvoyant en écho.
Faventina: musique liturgique du Codex Faenza 117: Mala Punica - Direction Pedro Memelsdorff L'interprétation inspirée et engagée de Mala Punica nous révèle tout le mystère de ces pièces inclassables dans notre référentiel musical. On se trouve plongé dans un monde extraordinaire et qui nous pousse à penser que la musique médiévale tardive était certainement d'une bien plus grande richesse harmonique que l'on pouvait l'imaginer.
Blow & Purcell - Odes & songs: Ricerar Consort - Direction Philippe Pierlot - Carlos Mena, Damien Guillon, contre-ténors L'exercice est ici très délicat car il faut traduire toute la subtilité de cette écriture sans tomber dans la préciosité, la mièvrerie ou carrément l'ennui. Philippe Pierlot, par le jeu subtil des violes et le grain admirable des deux voix de deux contre-ténors, a évité cet écueil. Attention, ce disque n'a pas pour vocation de nous charmer de façon ostentatoire et son accès peut se révéler difficile. Plusieurs écoutes permettrons de dévoiler des nuances et détails qui confirment la richesse de cette écriture des deux maîtres anglais.
Cavalli Francesco - Gli Amori d'Apollo e di Dafne: Ensemble Elyma - Dir. Gabriel Garrido Tout comme le maître de Mantoue, Cavalli révèle un art particulièrement achevé de l'expression lyrique.
Gli amori d'Apollo e di Dafne Cavalli Ce qui marque le plus à l'écoute de cet opéra est un mélange subtil de raffinement et de simplicité dans la composition. Les arias traduisent une légèreté et des couleurs qui confèrent à cette oeuvre une dimension poétique certaine sans aucune mièvrerie, sans aucun archaïsme. Le style direct, lumineux et spontané imprimé par la direction de Gabriel Garrido, fin connaisseur de ce répertoire, est particulièrement approprié.
Henry Purcell - Gabrieli Consort and Players: Fairy Queen 1692 Il s'agit là d'une des plus belles versions de The Fairy Queen (avec celle que John Eliot Gardiner avait enregistrée en 1982). elle ne séduira peut-être pas tous les mélomanes, du fait de la relative lenteur du tempo et du caractère presque méditatif de l'interprétation. Un parti pris de nous faire savourer toutes les subtilités de cette oeuvre, demandant ainsi à l'auditeur d'accepter cette forme d'immersion, incitant à la rêverie.
Vivaldi Antonio - Armida al campo d'Egitto: Concerto Italiano - Direction Rinaldo Alessandrini Cet opéra ne déroge pas aux règles de l'écriture lyrique propre prêtre roux, à savoir des arias d'une difficulté technique redoutable où les solistes sont mis à rude épreuve, où l'interprétation vocale doit rivaliser avec la virtuosité instrumentale, notamment celle du violon, instrument de référence pour Antonio Vivaldi. Version vive et lumineuse de Rinaldo Alessandrini.
GC Schürmann - Barockwerk hamburg, direction Ira Hochman: Die Getreue Alceste A retenir : une des arias, tirée du troisième et dernier acte de l'opéra Die getreue Alceste : Fahr ewig wohl !, magnifique composition pour soprano et mezzo avec un enchevêtrement des deux voix d'une beauté indéniable. Le plus troublant dans cette aria est la similitude de style, d'inventivité, de fluidité évidente avec les plus belles arias des cantates de JS Bach, et ce, près de quinze ans avant leur composition.
Sélection discographique : musique vocale sacrée
Zelenka: Missa Votiva ZWV 18: Collegium 1704 & Collegium Vocale 1704 - Direction Vaclav Luks L'ensemble Collegium et Collegium Vocale 1704 restituent la ferveur de cette messe avec énergie sans pour autant sacrifier à la lisibilité du texte et à une belle netteté des différents motifs. Cette performance est à souligner compte tenu de la richesse harmonique de cette oeuvre est indéniable.
A l'écoute complète de la messe vous aurez peut-être l'impression d'un patchwork reprenant çà et là des motifs déjà entendus chez nombre de compositeurs fameux du XVIIIème siècle et sans véritable unité. Je trouve cela pour ma part assez attachant car je pense que cela traduit en fait une écriture très spontanée, foisonnante et sans inhibition.
Bach JS - Motets: Montervedi Choir - The English Baroque Soilists - JE Gardiner Chez Gardiner, la primeur semble très nettement donnée au chœur. Il faut dire qu'avec l'un des meilleurs chœurs baroques au monde, cela est tout à fait tentant de le laisser s'épanouir, s'exprimer, surtout compte tenu la beauté permanente des harmonies des ces Motets.
Le rythme, l'articulation sont également plus marqués chez Gardiner, si bien que certains passages interpellent littéralement tant ils sortent d'une convention qui jusque là était soucieuse de linéarité, de fluidité, sans doute dans une logique de pur respect du texte.
De Victoria Sacred Works (Coffret 10 CD): Ensemble Plus Ultra L'ensemble britannique Plus Ultra, sous la direction de Michael Noone est d'une homogénéité exemplaire, sans tomber dans les travers de la froideur et de la rectitude, souvent de mise avec les ensembles d'outre-manche.
Par moment, les voix sont même quasiment instrumentales, nous donnant l'illusion d'un ensemble orchestral accompagnant les voix principales. Cet ensemble vocal est visiblement habité par les oeuvres interprétées qui sont toutes d'une beauté indéniable.
Bach JS - Passion selon Saint Jean: Ricercar Consort - Direction Philippe Pierlot L'ensemble est d'une cohérence magistrale. Les parties chorales sont de toute beauté et nous transportent. De tout cela se dégage une belle émotion. Ce disque est exemplaire et cette version dite "solistique", conserve une ampleur telle qu'elle vient se hisser parmi les plus belles qui soient, même avec des choeurs conçus de façon plus ample
Bach JS - Messe en si mineur: Collegium Japan - direction Maasaki Suzuki - label BIS. Le choix d'une grande clarté polyphonique, d'une tension de la ligne plus suggérée par un tempo assez étiré que par de grands effets, la netteté des motifs permettent de revenir à l'essentiel à savoir tout le propos mystique et la transcendance de cette messe.
Le chef japonais a porté un soin particulier à la qualité du choeur, pilier fondamental de cette messe qui, comme pour les Vêpres de la Vierge chez Monteverdi, constitue une forme de synthèse fondamentale de toute la musique sacrée écrite par JS Bach.
Bach JS - Motets: Bach Collegium Japan - Direction Masaaki Suzuki Comme pour les cantates, les motets sont révélés avec une évidence rare. La tension sous-jacente de la ligne confère à l'ensemble vocal une tenue impeccable. Le texte est déclamé via une alchimie mêlant avec subtilité deux forces en apparence opposées : intensité et sérénité. Masaaki Suzuki révèle là encore l'extraordinaire richesse harmonique et le sens génial du contrepoint. La clarté de la ligne et la transparence polyphonique mettent en lumière à merveille la beauté du chant sacré. Le texte est parfaitement articulé et servi.
Bach: Messe Brèves, BWV 234 & 235: Ensemble Pygmalion Raphaël Pichon aborde ce superbe répertoire des messes brèves avec une ferveur, une générosité impressionnantes tout en ne négligeant pas la tension de la ligne, la précision, la justesse de ton indispensables. La plénitude sonore est également ce qui marque le plus, aussi bien sur la masse orchestrale que sur les chœurs. On est véritablement enveloppé par des sonorités chatoyantes et colorées.
Buxtehude - Cantates : Ricercart Consort - Label Ricercar - Collection Deutsche geisltliche Barockmusick On est d'emblée saisi par le naturel de l'ensemble orchestral et vocal. Cette limpidité s'impose comme une sorte d'évidence. Il n'y a aucune afféterie et les compositions de Buxtehude sont révélées avec une assurance et une musicalité incomparables. Le trait est net, précis, léché. La diction des solistes est parfaite.
Buxtehude Friedrich - Membra Jesu Nostri: Concerto Vocale - Direction René Jacobs L'interprétation du Concerto Vocale est d'une finesse exceptionnelle, avec une rythmique parfaitement maîtrisée. En introduisant une dimension très humaine, et une belle respiration, René Jacobs révèle toute la richesse et les couleurs de l'écriture de Friedrich Buxtehude.
Byrd William : Laudibus in sanctis: The Cardinal's Musick - Andrew Carwood Ecriture aérienne, grande lisibilité, limpidité et élégance des trames harmoniques, telles sont les caractéristiques des compositions du maître anglais. Tout est incroyablement plus chantant et naturel que les compositions flamandes et françaises. Il y a comme une sorte d'évidence une certaine simplicité apparente.
De Profundis : Bach, Bruhns, Buxtehude, Tunder: Ricercar Consort - Philippe Pierlot - Stephan MacLeod (basse) Avec une prise de son subtile et d'un réalisme saisissant, les violes de gambes (dont celle de Philippe Pierlot) et le violon piccolo de François Fernandez, déploient leur grain et leur timbre de toute beauté, avec un tempo qui s'étire pour ajouter à la voix du soliste toute la plasticité qui révèle le mystère des ces œuvres
Des Prez Josquin - Missa Faisant Regretz: The Clerk's Group - Dir. : Edward Wickham L'écriture musicale de Desprez est inouïe de bout en bout. Une rythmique singulière ponctue de façon égale chacune des invocations du Kyrie à l'Agnus Dei final. Le Sanctus & Benedictus de cette messe est certainement un des chefs-d'oeuvre de l'écriture polyphonique et Edward Wickham a pris des options parfaites d'intonation et de coloration vocale.
Dufay Guillaume : Supremum est mortalibus bonum: Ensemble Cantica Symphonia - Direction Giuseppe Maletto Ce dernier volume est surtout à retenir pour une restitution impressionnante de l'un des motets les plus puissants de Guillaume Dufay : Ave Regina Colerum, et, surtout, le dernier, Ave Regina Celorum / Miserere Tui Labentis complètement a cappella et sur lequel l'ensemble Cantica Symphonie imprime une tension extrême. Prodigieux.
Johann Hermann Schein - Opella Nova - Fontana d'Isarel: Ensemble Sagittarius - direction Michel Laplénie - label Hortus Dans ces deux pièces, Schein fait preuve d'une inventivité indéniable et démontre de façon magistrale comment il a intégré la forme madrigale avec une finesse et une élégance certaines. Des frottements harmoniques, certaines dissonances dignes d'un Carlo Gesualdo ou d'un Michelangelo Rossi y sont même tout à fait perceptibles (ex : les montées des toutes premières mesures de "Die mit Tränen säen d'Israelbrünnlein, notamment les 59 premières secondes dont les mélismes constituent à chaque fois les paliers de montée sur la gamme).
Josquin Desprez: Missa Malheur me bat - Missa Fortuna desperata: The Tallis Scholar La version des Tallis Scolars est en effet d'une netteté irréprochable et ne se permet aucune déviation dans le rendu des harmonies, avec un étalonnages parfait des voix. Ce disque est surtout à recommander pour la Missa Fortuna Desperata. Josquin Desprez prend le parti d'une grande plénitude sonore, remplissant l'espace d'une série de mise en accords des différentes voix sur des notes qui se prolongent bien plus qu'à l'habitude. La méthode semble simple mais elle apporte, au milieu des enchevêtrements complexes des voix par imitation, des moments "minimalistes" qui provoquent d'autant plus leurs effets que le contraste est marquant et surtout prolongé.
La Quinta essentia - Palestrina / Lassus / Ashewell: Huelgas-Ensemble - direction Paul Van Nevel - label Harmonia Mundi. Paul Van Nevel conduit son ensemble avec une précision et un sens de la respiration exceptionnels. On tient là l'une des toutes meilleures formations vocales polyphoniques actuelles sur des registres de voix de taille déjà importante (14 voix). L'ensemble restitue un chant d'une finesse et une transparence absolues. Les voix sont parfaitement étalonnées et les messes nous sont restituées avec toute leur grâce et leur luminosité. Les nuances sont dosées avec une finesse extrême.
Madin Henri - Petits Motets: Le Concert Lorrain - Direction Anne-Catherine Bucher - label K617 Ce qui frappe le plus à la première écoute de ces motets est le sentiment de plénitude qu'ils dégagent. Ils sont d'une grande simplicité et ne s'embarrassent d'aucune ornementation qui pourtant était souvent de mise à cette époque, y compris sur la musique sacrée. La beauté de ces motets est en grande partie révélée par le truchement d'une basse continue subtile et parfaitement mesurée mais aussi au travers du phrasé du choeur de femmes.
Marc-Antoine Charpentier - Motets pour le Grand Dauphin: Ensemble Pierre Robert - Direction Frédéric Desenclos L’ensemble Pierre Robert, sous la direction Frédéric Desenclos, propose avec ce disque édité chez Alpha une lecture d’une grande justesse des Motets écrits par Marc-Antoine Charpentier pour le Grand Dauphin.
Dès les toutes premières mesures du motet d’introduction Recatio pro filio Regis, le climat intimiste de ces pièces s’impose comme une évidence, et la belle musicalité des voix (Edwin Crossley-Mercier / basse et Anne Magouët / dessus) retient tout de suite l’attention. L’écriture de Marc-Antoine Charpentier nous renvoie un peu à l’intimisme des concerts spirituels luthériens, avec tout de même une touche toute française dans l’ampleur des phrasés, tant pour les voix que pour l’accompagnement instrumental.
Obrecht Jacob - Missa de Sancto Donatiano: Ensemble Cappella Pratensis Le travail de l'ensemble Cappella Partensis se révèle d'une précision exemplaire, tentant de reconstituer dans les moindres détails le déroulement des offices avec, notamment, l'insertion de psaumes déclamés dans le style monodique du plain-chant. Après l'Introitus, le déploiement du chant polyphonique écrit par Jacob Obrecht avec l'antienne du premier Kyrie est saisissant de simplicité et de beauté. Jacob Obrecht dévoile une trame harmonique particulièrement aérienne, même si elle reste dans la tradition des textures assez resserrées de la polyphonie de l'école flamande. L'enchevêtrement des huit voix s'articule selon des lignes d'une pureté rare. Ce compositeur flamand insuffisamment enregistré atteint ici un niveau de transcendance impressionnant.
Pergolesi: Messa Romana; Allesandro Scarlatti: Messa per il Santissimo Natale: Concerto Italiano - Rinaldo Alessandrini La messe de Pergolèse confirme le génie de ce compositeur. Flamboyante, majestueuse et prenante de bout en bout, elle annonce indéniablement les grandes messes mozartiennes et... schubertiennes. La messe d'Alessandro Scarlatti quant à elle reste plus ancrée dans la tradition des oeuvres sacrées italiennes du XVIème siècle et notamment Monteverdi auquel on ne peut s'empêcher de penser. Version énergique et intense de Rinaldo Alesandrini à la tête du Concerto Italiano
Roland Lassus: Cantiones Sacrae, Sex Vocum - Collegium Vocale Gent - Philippe Herreweghe: Roland Lassus: Cantiones Sacrae, Sex Vocum Ces motets, écrits pour un effectif à six voix (effectif d'origine de quatre voix avec doublement du cantus et du tenor), constituent une merveilleuse synthèse des différentes inventions expressives qui ont toujours fait le caractère singulier de la polyphonie de Roland de Lassus, par rapport à des contemporains comme le romain Giovanni Pierluigi Palestrina qui, quant à lui, procédait à un déploiement plus linéaire et austère du champ polyphonique. Roland de Lassus avait en effet le génie de ciseler le chant polyphonique en articulant le rythme selon l'évolution du récit. Splendide version du Collegium Vocale de Gent sous la direction inspirée de Philippe Herreweghe
Samuel Scheidt - Cantiones sacrae: Ensemble Vox Luminis - direction Lionel Meunier - Label Ricercar A l'écoute de ces petites merveilles que sont les Cantiones Sacrae de Samuel Scheidt, on sera forcément marqué par la filiation naturelle, notamment avec la musique sacrée mais aussi madrigale italienne (le style madrigal est particulièrement probant dans "Sende dein Licht und deine Wabreit"). en fait, Samuel Scheidt démontre avec ces compositions sacrées une grande variété de styles et de climats, allant jusqu'à évoquer les chromatismes ou frottements harmoniques dignes des madrigaux maniéristes tardifs italiens (notable au minutage 4'19" de "Ist nicht Ephraim mein teurer Sohn", l'une des plus belles pièces de ce disque).
Vespro Della Beata Vergine: Cantus Cölln, direction Konrad Junghänel - Concerto Palatino Sont abordés dans cet album, en majorité Virgilio Mazzocchi, compositeur majeur à la chapelle pontificale de l'Eglise Saint-Pierre de Rome, Giacomo Carissimi, Girolamo Frescobaldi et le maître incontesté de l'école romaine de musique polyphonique, Giovanni Pierluigi da Palestrina. Konrad Jungähnel regroupe des pièces de ces différents compositeurs selon le schéma classique des Vêpres, en ayant extrait de psaumes (Dixit Dominus, le Laudate pueri, le Laetatus sum, le Nisi Dominus, le Lauda Jerusalem, le Salve Regina et le conclusif Magnificat), tous composées par Mazzocchi. Les pièces de Mazzocchi révèlent une grandeur et majesté indéniables. Elles atteignent parfois un splendide niveau d'élévation particulièrement bien mis en valeur par le chant d'une justesse remarquable des huit interprètes vocaux du Cantus Kölln.
Schubert : Impromptus op.90 & 142: Alexei Lubimov Alexei Lubimov nous livre ici une version des impromptus d'une finesse rare. La belle mélancolie de cette interprétation nous emporte dès les premières mesures de chaque impromptu. Il s'agit indéniablement d'une version de référence.
Bach JS - Partitas N°1,2 & 3 - Transcriptions: Racha Arodaky Tout d'abord on est frappé par la clarté extraordinaire du contrepoint, qu'elle avait déjà parfaitement révélée sur les suites de GF Haendel. Ensuite, on notera la respiration, l'élan permanent, l'exaltation du caractère circulaire de cette musique. C'est encore plus probant sur JS Bach que sur GF Haendel justement. Le lyrisme de la pianiste apporte des couleurs, une vie, une extraordinaire proximité à ces partitas qui nous parlent enfin, nous révèlent un JS Bach incroyablement humain
Bach - Pièces pour Luth: Paul O'Dette - Label Harmonia Mundi Les phrasés sont d'un naturel étonnant, le son d'une belle plénitude et la rythmique propre à la musique de Bach parfaitement maîtrisée. Paul O'Dette restitue avec son luth une polyphonie assez colorée et riche et nous permet d'apprécier avec une exactitude impressionnante la richesse harmonique de ces oeuvres. Ne vous attendez pas à un luth méditatif et précieux mais au contraire à un jeu résolu, volontaire mais dont la précision technique nous permet de saisir toutes les subtilités des motifs déployés par la musique du maître de Leipzig.
Bach JS - Clavier Ubung I: Benjamin Alard - Clavecin Ce qui marque d'emblée dans l'approche de Benjamin Alard par rapport à ces aînés est le choix d'un tempo plus étiré et d'un toucher d'une grande délicatesse. Cela n'empêche nullement la nécessaire nervosité / fébrilité (ex : l'incroyable Gigue de la quatrième partita en ré majeur) ou le "forte" nécessaire sur certains accords, si on peut vraiment parler de nuance sur un clavecin..., (ex : la Sinfonia d'introduction de la deuxième partita en ut mineur d'une d'une autorité indéniable).
Bach JS - Concertos Pour Clavecin Bwv1052, 1055, 1056 & 1058: Ensemble Stradivaria - Direction Daniel Cuiller - Clavecin, Betrand Cuilller On peut enfin écouter un clavecin qui n'est pas écrasé par la masse orchestrale, et, surtout, on a affaire ici à des musiciens qui montrent un degré de cohérence et une unité assez rare pour être soulignée. Le jeu de Bertrand Cuiller, alerte et léger, fait pétiller son clavecin. Il nous délivre des sonorités fines comme de la dentelle, tout en conservant un certain mordant, une vivacité toute contrôlée. En effet, il ne faut pas se méprendre pour autant. Cette version imprime d'emblée, sur chaque concerto, une certaine tension de la ligne qui ne se relâche jamais.
Bach JS - Le Clavier bien tempéré - Livre I: Rosalyn Tureck Tureck nous dévoile ces pièces avec une intelligence, une précision rythmique et une expressivité inouïes. Elle exerce une forme de magnétisme, révélant toute la puissance de l'écriture harmonique de chacun des préludes et des fugues associées. Le Livre II est également édité par BBC Legends.
Bach JS - Sonates et prtitas pour violon seul: Viktoria Mullova, violon, label Onyx Viktoria Mullova cisèle sans exagération les motifs avec une délicatesse merveilleuse tout en ne déviant jamais de la ligne directrice. Elle inscrit ces pièces sous le signe de la danse (elle nous rappelle ainsi, en passant, la dénomination des mouvements des sonates et partitas...), en maintenant une certaine vigueur rythmique mais sans aucun excès, sans agressivité. Les ornementations et trilles sont d'une clarté impressionnante. On a souvent reproché à Viktoria Mullova une certaine froideur. Ce n'est absolument pas le cas ici tant son engagement est réel.
Bach JS - Sonates pour violon et clavecin: Viktoria Mullova - Ottavio Dantone Sur ces pièces superbes, la connivence des interprètes est évidente. C'est une sorte d'insouciance ou de nonchalance, presque jouissive qu'il nous est permis d'écouter. Viktoria Mullova a considérablement mûri son jeu et sa technique époustouflante vient complètement servir là encore un naturel saisissant
Bach JS - Suites pour violoncelle: Anner Bylsma Rien que pour le son unique du Stradivarius "Servais" emprunté par Bylsma, cet enregistrement est exemplaire. Ce violoncelle a une âme tendre et un timbre qui touche profondément.
Bach JS : Partitas N° 1, 5 & 6: Murray Perahia, piano Murray Perahia révèle ces partitas sous un autre jour, sous le signe d'une sérénité et d'une hauteur de vue impressionnantes. Son toucher charnu, la plénitude sonore de son Steinway se trouvent entièrement dévoués au déploiement majestueux de la polyphonie de ces partitas, sans aucun travers, aucune faute de goût, et qui pourraient constituer les pièges typiques des interprétations sur piano moderne. A la dureté d'un travail qui serait par trop rhétorique et contraint par une approche "claveciniste", Murray Perahia oppose la respiration, l'ampleur et le rendu de nuances que permet le piano.
Beethoven - Symphonie n°6 (live 1983): Carlos Kleiber - Bayerisches Staatsorchester Il fallait être dans la salle ce soir de 1983... Carlos Kleiber embarque son orchestre dans une véritable tempête, un souffle quasi-diabolique et un tempo incroyablement rapide. Tout ceci n'est pas bâclé pour autant... Au contraire, il extirpe de cette "Pastorale" tous les ressorts propres à la virilité, la force beethovénienne
Brahms - 3ème Quatuor - Quintette pour clarinette: Pascal Moraguès - Quatuor Talich Version de référence avec, à l'époque, le jeune Pascal Moraguès et le mythique Quatuor Talich. Mélange parfaitement équilibré de vigueur et de lyrisme au service de la puissante écriture de Brahms sur ce chef d'oeuvre qu'est le quintette pour clarinette.
Chopin - Nocturnes: Luis Fernando Pérez L'interprétation de Luis Fernando Pérez révèle un sens du déroulement narratif extraordinaire, ne cédant jamais à la tentation d'un certaine séduction, caractéristique finalement du Chopin Nocturnes Perez jeu de Maria-João Pires. Le style est plus introspectif mais révèle d'innombrables nuances. La main droite déploie un jeu très articulé, bien timbré. Luis Fernando Pérez parvient à mettre particulièrement en évidence cette faculté que peuvent avoir ces pièces de Chopin à suspendre le temps. Il s'agit d'une version finalement assez sombre, sans concessions, et qui risque de ne pas conquérir les adeptes du "beau son". En revanche, c'est la seule version "moderne" qui permet d'entrer de façon aussi intime dans l'univers poétique que traduisent ces Nocturnes.
Chopin - Nocturnes (intégrale), Berceuse: Pascal Amoyel Petit miracle que ce disque de Pascal Amoyel qui nous délivre une lecture très attachante, limpide, évidente et d'une grande richesse narrative de ces sublimes pièces de Chopin
Felix Mendelssohn - Quatuors A Cordes Op.13 & 80. Capriccio Op.81 N°3: Quatuor Modigliani Les Modigliani déploient sur deux quatuors (en la mineur opus 13 et en fa mineur opus 80) ainsi que sur le Capriccio et fugue en mi mineur opus 81 un jeu fascinant et qui opère une séduction immédiate. Cela fait de nombreuses années que je n'ai pas autant été interpelé par une interprétation d'une telle évidence. Le niveau d'équilibre et de fusion des protagonistes est vraiment extraordinaire et ils sont pris, de bout en bout, d'une grâce à couper le souffle.
Haendel GF - Six Suites Pour Clavier: Racha Arodaky, piano - label Air Note Racha Arodaky fait partie de ces rares pianistes qui apportent un soin particulier à la cohérence narrative de leurs enregistrements. Son intention est que ses interprétations dépassent la prouesse technique pour tenter de démontrer que la musique baroque, avant le monde classique et romantique, s'attachait elle aussi à révéler les tourments de l'âme humaine. Comme pour son Scarlatti, elle démontre de façon admirable comment le contrepoint de Haendel, aussi conforme soit-il à la rhétorique, peut comprendre une petite part de folie. Cet entrelacement complexe des voix fait que la frontière avec l'improvisation devient particulièrement floue.
Haydn - Sonates pour piano Nos 40, 44, 48 & 52: Sviatoslav Richter Tout comme avec ses quatuors, Joseph Haydn préfigure d'une façon parfois fulgurante les grandes compositions romantiques. Le cas le plus marquant est la filiation évidente, dès les toutes premières mesures, de l'Allegro de cette sonate avec les compositions pour piano de Beethoven. Version impériale, résolue et d'une élégance rare de Sviatoslav Richter.
Liszt - sélection de pièces pour piano: Arcadi Volodos Ce qu'Arcadi Volodos nous restitue est vraiment à couper le souffle. Plénitude du son, infinie variété des nuances, aisance phénoménale, amplitude, flamboyance : toute la puissance et le foisonnement de l'écriture de Liszt sont bien là.
Matteis Nicola - False consonances of Melancholy: Ensemble Gli Incognito - direction Amandine Beyer (violoniste) - label Zig Zag Territoires La musique de Nicola Mattei est attachante, sensuelle, avec, pour reprendre les termes mêmes d'Amandine Beyer, quelque chose "d'impalpable" qui fascine. Amandine Beyer traduit avec une finesse certaine, et beaucoup de musicalité, les différentes formes des nombreuses pièces interprétées. Amandine Beyer est tombée sous le charme de ce compositeur et c'est plus que palpable sur chacune des pistes de ce disque. Son enthousiasme et son plaisir indéniables à interpréter ces pièces sont plus que communicatifs.
Mozart - Quatuors A Cordes K421, K458 "La Chasse", K465 "Les Dissonances": Quatuor Pražák Les Pražák apportent tout ce que l'on attend de ces quatuors : la vivacité, la respiration, une pointe de "cantabile" et surtout la spontaneité. Grâce à cela, toutes les audaces harmoniques, le jeu qui s'instaure entre les différents instruments prennent un relief singulier.
Rameau - Pièces pour clavier: Marcelle Meyer (piano) Glenn Gould n'a rien inventé. Marcelle Meyer a ouvert la voie d'interprétation pianistique des pièces originairement composées pour clavecin, que ce soit Couperin ou ici Rameau. L'un des ressorts de cette interprétation très inspirée est la capacité de cette interprète à restituer au clavier d'un piano moderne les ornementations avec vivacité et légèreté. Son jeu est assez timbré mais il conserve une finesse, un douceur étonnantes avec un interprétation des mordants et trilles propres à ce répertoire qui semble irréelle sur ce type d'instrument.
Rossi Michelangelo - La Poesia Cromatica: Ensemble Huelgas - direction Paul Van Nevel - label Deutsche Harmonia Mundi A ce titre, ces madrigaux, tous splendides, prennent un caractère intemporel, révèlent une magnificence qui retient systématiquement l'attention. Certaines associations audacieuses d'accords, la volonté de ne pas se laisser emprisonner par une seule tonalité lors du déroulement d'un madrigal, des changements parfois brusques de rythme, l'art savant de l'articulation des motifs musicaux par rapport au texte, tout cela fait partie de l'univers maniériste de Michelangelo Rossi.
Scarlatti, Domenico - Sonates pour clavier: Racha Arodaky, piano La sélection de l'interprète fait la part belle aux sonates lentes dont certaines ont une sorte de douceur contemplative. Avec un jeu gracile, et une grande finesse de toucher, Racha Arodaky donne à ces sonates de splendides couleurs et instaure un climat intime très convaincant. Son piano révèle un son ample qui sert parfaitement la richesse harmonique de ces sonates.
Schubert : Arpeggione et Lieder: Antoine Tamestit (alto) - Sandrine Piau (soprano) - Markus Hadulla (piano) Ce disque repose sur un projet cohérent et d'une belle intelligence. Il nous permet d'explorer les mystères d'une forme de convergence entre les cordes vocales et celles d'un instrument qui opère sur un registre insuffisamment exploré car encore trop jugé comme intermédiaire. Les pièces choisies révèlent un Schubert introspectif et d'une douceur inouïe.
Vivaldi Antonio - Concertos Pour Flûte Traversière: Alexis Kossenko - flûte et direction d'orchestre - Ensemble Arte Dei Suonatori Alexis Kossenko est un musicien complet, passionné par son travail sur la flûte baroque et romantique et il a l'intelligence de ne pas céder aux sirènes de la facilité. Sa virtuosité pourait le conduire à enregistrer ces concertos au pas de charge en jouant "vite et fort" comme se plaisent à faire nombre de jeunes ensembles baroques. Tout au contraire, il exploite ses incroyables facilités techniques au service d'une lecture raisonnée avec une volonté constante d'équilibre de la forme, de restitution des nuances pour nous révéler l'extraordinaire richesse d'écriture de ces concertos. Mission pleinement accomplie. Ce disque fait incontestablement partie des coups de coeur 2010 du Poisson Rêveur.
Une voix - un disque
Anne Sofie von Otter : Ombre de mon amant (Airs Baroques Français) Le choix des arias, dont celles du chef d'oeuvre Médée de Marc-Antoine Charpentier occupent une place centrale, est particulièrement intéressant car il préside, semble-t-il à la tonalité générale assez envoutante de cet album. Anne Sofie von Otter révèle une sorte de "ténébreuse sensualité". L'intelligence de son phrasé, la subtilité extraordinaire de ses intonations nous captivent de bout en bout. Les sonorités limpides raffinées des Arts Florissants constituent, comme dans toute réussite de ce type, l'écrin soyeux de cette voix magnifique.
Anne Sofie von Otter chante Offenbach Avec un phrasé parfait et un beau sens de l'humour, Anne Sofie von Otter ne perd rien de sa sensualité exquise, même sur les airs d'Offenbach les plus impertinents.
Magdalena Kozena - Vivaldi Après une collaboration particulièrement réussie, au disque comme au concert, entre Magdalena Kožená et Andrea Marcon dans des arias de Haendel, il était plus que tentant de renouveler l’expérience avec Antonio Vivaldi. Les couleurs instrumentales, les phrasés du Venice Baroque Orchestra nous révèlent la musique de Vivaldi, telle que l’on se l’imagine idéalement, tout au moins, lorsque l’on a eu le plaisir de flâner sur les canaux ou dans les campi de la Sérénissime. Il faut se rappeler, à cette occasion, le très bel enregistrement de motets du même compositeur que le chef italien avait réalisé avec la soprano Simone Kermes.
Magdalena Kozená - Lamento Enregistrement grave et profond qui révèle toute la richesse d'interprétation de Magdalena Kozená, au sommet de son art.
Matthias Goerne - Arias Occasion de découvrir l'étendue du registre de ce baryton au timbre profond, velouté et à l'expressivité hors du commun. Une des voix actuelles les plus fascinantes.
Measha Brueggergosman- Surprise ! - Airs de William Bolcom, Arnold Schoenberg et Erik Satie Le tempérament de cette jeune chanteuse est vraiment formidable, la plasticité de sa voix extraordinaire avec une tessiture digne des plus grandes chanteuses de Jazz. Elle démontre dans ce disque une vraie musicalité en déployant une voix très timbrée, chaude et expressive.
Patricia Petibon - Airs baroques français Album intéressant de la soprano française qui incarne ses rôles avec un sens certain du second degré. Beau filet de voix assez sensuel.
Philippe Jaroussky - Heroes (Vivaldi Opera Arias) Pour notre plus grand bonheur, Philippe Jaroussky se jette avec brio dans la brèche ouverte par Cecilia Bartoli il y a six ans, à savoir une sélection d'airs tirés d'une douzaine d'opéras sérias d'Antonio Vivaldi.
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